Pour qui réside à Québec depuis un bon moment, le mot Courville évoque une bourgade d’une autre époque qui se trouvait en périphérie de la ville de Québec, au Canada. Le nom a depuis disparu et Courville s’est fondue dans une banlieue ensuite fusionnée à Québec. Mais certains se souviennent de ce que l’endroit avait de distinctif: son voisinage immédiat de la chute Montmorency, la plus haute en Amérique du Nord, et son sous-sol de calcaires ordoviciens qui ont créé une multitude de grottes plus ou moins géantes affleurant sous une surface incertaine.
Courville rappelle aussi une réalité plus ordinaire: la banlieue québécoise des années 70 et ses bungalows maintenant désuets. Et, par extension, les préoccupations du moment. La guerre froide, qui trouve un exutoire dans de palpitants tournois de hockey opposant le Canada à la Russie soviétique. La pop parfois planante du rock progressif. L’éternel psychodrame national où s’affrontent francophones et anglophones, et qui va bientôt s’exacerber. Et le début de la fin de ce qu’on appelle, à ce moment-là, la « famille nucléaire », cette bulle sociologique où les mirages de la consommation cachent parfois des relations sordides.
Le 15 novembre 1975, Simon a 17 ans, une chambre à lui dans la cave d’un pavillon de Courville, une mère veuve acoquinée à un oncle louche, un tatouage bien involontaire et douloureusement permanent sur la poitrine, une amie qui l’entreprend sans grand succès et un copain athlétique qui a peu d’instruction. L’année qui vient va précipiter les choses, l’agitation sociale qui s’annonce graduellement va trouver des échos dramatiques et déterminants dans la vie du jeune homme.
Courville esquisse le portrait d’une adolescence complexe, où la toile de fond des euphories collectives n’arrive pas à occulter les tourments de l’éveil à la sexualité, le poids du regard des autres ou l’obsession des apparences. D’un bout à l’autre du spectacle, la technique ancestrale du bunraku permet de donner vie à des marionnettes de toutes tailles qui incarnent Simon et son entourage. En scène, Robert Lepage est le narrateur du récit. La conception des marionnettes a été confiée à Céline White et Jean-Guy White et la fabrication à l’Atelier des Griffons.